Genèse 19 raconte deux histoires interdépendantes sur Lot et ses filles, toutes deux assez scandaleuses. Dans la première, Lot, le neveu d’Abraham, accueille deux anges venus à Sodome sous une forme humaine. Il les protège d’une foule violente mais, de manière choquante, offre ses filles pour les apaiser. Plus tard, ses filles le soûlent et commettent l’inceste avec lui, donnant naissance à deux nations qui deviendront les futurs ennemis des enfants d’Israël. Cependant, quelque chose d’étonnant nous attend à la fin de l’histoire de Lot. Il suffit d’avoir des yeux pour voir et de la patience pour l’entendre.
Lot et la foule
L’histoire de Lot et de ses filles commence avec Lot assis à la porte de Sodome, un lieu de leadership communautaire, indiquant son confort et son statut parmi les habitants de la ville. Cependant, les méchants habitants de Sodome lui rappellent plus tard qu’il est un immigré et qu’il n’est pas vraiment à sa place. Lorsque deux anges arrivent, Lot se lève, s’incline et insiste pour qu’ils restent chez lui (Genèse 19:1-2). Ils acceptent à contrecœur.
Son insistance reflète la valeur de l’hospitalité dans l’ancien Proche-Orient en général et dans le judaïsme ultérieur en particulier, où l’accueil d’invités était un devoir sacré, qui l’emportait sur le confort et le plaisir personnels. La persistance de Lot – qui a pressé les anges malgré leur refus (Gen. 19:3) – montre son attachement à ce code.
Lot vivait dans la société de Sodome et y était profondément intégré depuis une vingtaine d’années lorsque Dieu a jugé la ville. Cette durée rend son statut d’ancien de la ville (assis à la porte de la ville dans Genèse 19:1) parfaitement plausible et ajoute à la tragédie de son histoire – c’était un homme juste dont la longue exposition à une culture méchante avait compromis son jugement moral. Nous lisons ce qui suit :
« Et s’il a secouru Lot, un homme juste, qui était affligé par la conduite dépravée des gens de mauvaise foi (car cet homme juste, vivant parmi eux jour après jour, était tourmenté dans son âme juste par les actes de mauvaise foi qu’il voyait et entendait) » (2 Pierre 2:7).
Le problème survient lorsque les hommes de Sodome encerclent la maison de Lot, exigeant d’avoir des relations sexuelles homosexuelles avec les invités de Lot. Nous lisons ce qui suit :
« Avant qu’ils ne se couchent, les hommes de la ville, les hommes de Sodome, entourèrent la maison, jeunes et vieux, tous les gens de tous les quartiers ; ils appelèrent Lot et lui dirent : « Où sont les hommes qui sont venus chez toi cette nuit ? Amène-les-nous pour que nous ayons des relations avec eux. » (Gen. 19:4-5)
Le verbe hébreu ידע(yada, « savoir ») implique une intention sexuelle, une violation de l’hospitalité et des liens communautaires. Lot plaide : « Je vous en prie, mes frères, n’agissez pas méchamment » (Gen. 19:7), utilisant l’hébreu אחי(achai, « mes frères ») pour faire appel à des valeurs partagées, ce que la foule rejette. Puis, de manière choquante, du moins pour le lecteur moderne, Lot offre ses deux filles vierges, en disant,
« Faites d’elles ce que vous voudrez, mais ne faites rien à ces hommes, car ils sont venus s’abriter sous mon toit » (Gen. 19:8).
L’expression hébraïque צל קרתי(tzail k’ra’ti, « l’ombre de mon toit ») souligne la protection sacrée des invités, mais l’offre de Lot révèle un fait troublant : il accorde plus d’importance à la sécurité sexuelle des étrangers qu’à celle de ses filles.
L’expression hébraïque בָנוֹת, אֲשֶׁר לֹא-יָדְעוּ אִישׁ (banot asher lo yad’u ish, « filles, qui n’ont pas connu d’homme ») souligne leur pureté, ce qui rend l’offre de Lot choquante. Cela suggère qu’il les considère comme des biens à échanger contre la sécurité des invités. L’action de Lot, bien que courageuse et audacieuse d’un certain point de vue, était malheureusement dictée par la culture d’un autre point de vue. Les anges interviennent, aveuglant la foule. Lot et ses filles sont ainsi sauvés, mais leur traumatisme relationnel n’est sans doute pas résolu.
Lot et ses filles
Le feu et le soufre détruisent Sodome et Gomorrhe (Gen. 19:24-25). Après avoir fui vers Zoar, Lot, effrayé, s’installe dans une grotte de montagne (Gen. 19:30). Ses filles, se sentant probablement trahies par leur père, prétendent à tort : « Il n’y a pas d’hommes autour de nous pour entrer dans notre maison, comme c’est souvent le cas sur la terre » (Gen. 19:31). Elles enivrent Lot et couchent avec lui, d’abord l’aînée, puis la cadette (Gen. 19:32-35). L’expression hébraïque לא ידע (lo yada, « il ne savait pas ») est utilisée pour relier élégamment les deux histoires impliquant Lot et ses deux filles dans ce chapitre. Le mot ידע (yada, « savoir ») peut signifier à la fois la connaissance cognitive et sexuelle, ce qui fait écho à l’échec antérieur de Lot à protéger ses filles (Gen. 19:4-5). Les filles, autrefois vulnérables à la volonté de Lot de les sacrifier, l’utilisent maintenant comme un objet dévalorisé dans leur plan de survie, reflétant une symétrie tordue de compromis moral.
Les deux filles donnent naissance à des fils, Moab et Ben-ammi, ancêtres des Moabites et des Ammonites (Gen. 19:36-38). Leur raisonnement erroné fait écho au choix antérieur de Lot de faire passer le devoir social avant la famille, créant ainsi un cycle de trahison qui a commencé avec le traumatisme de Sodome.
Bien que Lot ait commis de graves erreurs dans Genèse 19, 2 Pierre 2:7-8 le qualifie de « juste Lot », dont l’âme a été tourmentée par les actes anarchiques de Sodome, ce qui le distingue de ses voisins immoraux. Son hospitalité imparfaite envers les anges reflète une vertu pieuse, et son sauvetage, soutenu par l’intercession d’Abraham, souligne la grâce de Dieu pour ceux qui sont compromis mais orientés vers la justice.
Une rédemption épique
Par rapport à Lot, Jésus incarne un amour auto-sacrificiel qui protège les plus vulnérables sans sacrifier les autres. Au contraire, Jésus se sacrifie pour sauver les autres. Lot a offert ses filles à la foule ; le Christ s’est sacrifié sur la croix. L’histoire de Lot révèle un cycle de traumatisme et de péché ; l’histoire du Christ initie un cycle de rédemption et de guérison, offrant non pas un jugement mais une grâce réparatrice à ceux que le péché a brisés.
Mais lorsque l’histoire de Dieu se déroule plus loin, quelque chose d’extraordinaire devient clair. L’inceste honteux de Genèse 19 donne naissance aux Moabites, une nation qui produit Ruth, une femme d’une foi et d’une vertu extraordinaires (Livre de Ruth). Son don bénit Israël et le monde, puisqu’elle devient l’arrière-grand-mère du roi David et une ancêtre de Jésus-Christ. Son histoire révèle une vérité profonde : la grâce de Dieu transforme même les moments les plus sombres, prouvant qu’aucune situation ou personne n’est au-delà de la rédemption.
Conclusion
Que la tragédie de Lot nous serve d’avertissement urgent et que le triomphe du Christ soit notre appel éternel. Nous devons veiller à ce que nos cœurs soient protégés contre la lenteur et la compromission du monde, car même les intentions les plus saines peuvent être déformées lorsqu’elles sont filtrées par une conscience corrompue. Ne vous contentez pas de garder la porte du pouvoir ; fuyez la ville du péché avant qu’il ne soit trop tard. Ne sacrifiez pas les plus vulnérables sur l’autel des principes, mais donnez votre vie au service du Christ.
Mais n’oubliez jamais que même dans les chapitres les plus sombres de votre histoire, le fil de la rédemption de Dieu brille de tout son éclat. C’est la vérité ultime : notre Dieu se spécialise dans la réécriture d’histoires brisées en récits d’épopées de grâce et de rédemption. En Christ, le cycle du péché est brisé. Il nous offre non seulement le pardon de notre passé, mais aussi une part de son avenir glorieux. Aucune personne, aucun passé, aucune situation n’est hors de portée de sa grâce rédemptrice.
Pas même la vôtre.
