Choisir une traduction de la Bible peut donner l’impression d’entrer dans une vaste bibliothèque, chaque étagère étant garnie de versions prétendant être les plus authentiques. Pour le lecteur moyen, les options sont décourageantes. Quelle traduction reflète le mieux les manuscrits originaux ? Cette question est souvent posée par des étudiants, des amis et des personnes en quête de foi. La réponse peut surprendre, voire frustrer : aucune traduction n’est parfaite. Malgré l’expertise des chercheurs, la précision de leurs méthodes ou la sincérité de leurs intentions, toutes les traductions ne parviennent pas à restituer la profondeur des textes originaux en hébreu, en araméen et en grec. Mais cela ne doit pas vous décourager. Plutôt que de rechercher une traduction sans faille, il faut s’efforcer de trouver une traduction plus fidèle à l’original, tout en reconnaissant que la véritable compréhension exige un engagement personnel avec le texte.
Les deux grandes catégories.
Les traductions de la Bible en anglais peuvent être regroupées en deux grandes catégories : la King James Version (KJV) et toutes les autres traductions modernes. Cette distinction peut sembler trop simpliste, car elle regroupe des traductions telles que la New International Version (NIV), l’English Standard Version (ESV), la New American Standard Bible (NASB) et la New Living Translation (NLT). Toutefois, cette catégorisation met en évidence la place unique de la KJV tout en reconnaissant les forces et les faiblesses des traductions modernes. L’objectif n’est pas de rejeter la diversité des versions modernes, mais de comprendre ce qui distingue la KJV et ce qu’elle nous apprend sur la lecture fidèle de la Bible.
La version du roi Jacques
Publiée en 1611, la King James Version est une réalisation majeure de l’histoire religieuse et littéraire. Sa langue – éloquente, poétique et enracinée dans les rythmes de l’anglais élisabéthain – a profondément façonné non seulement la pratique religieuse, mais aussi le monde anglophone dans son ensemble. Des expressions telles que « la vallée de l’ombre de la mort » (Psaume 23:4) ou « un temps pour pleurer et un temps pour rire » (Ecclésiaste 3:4) sont ancrées dans notre conscience culturelle. La KJV est plus qu’une Bible, c’est un chef-d’œuvre littéraire. Pour un regard plus approfondi sur sa création, God’s Secretaries (Les secrétaires de Dieu), d’Adam Nicolson, offre un récit passionnant sur les érudits, les poètes et les théologiens qui l’ont élaborée, révélant à la fois leur brio et les contraintes de leur époque.
Pourtant, la KJV n’est pas exempte de défauts. Ses traducteurs ont travaillé avec les meilleurs manuscrits disponibles au XVIIe siècle, mais des découvertes telles que les manuscrits de la mer Morte ont depuis permis d’obtenir des textes plus anciens et plus fiables. La KJV privilégie souvent l’élégance de l’anglais par rapport à la texture brute de l’hébreu et du grec originaux, introduisant des anachronismes qui reflètent l’Angleterre du XVIIe siècle plutôt que l’ancien Israël. Malgré ces défauts, des spécialistes comme Robert Alter affirment que la KJV restitue souvent mieux que de nombreuses traductions modernes le ton poétique et la grandeur des textes originaux. Sa volonté d’embrasser l’étrangeté et la beauté du langage biblique lui confère un attrait durable, même si elle bute sur la précision.
Traductions modernes
Les traductions modernes telles que la NIV, l’ESV, la NASB et la NLT donnent la priorité à l’accessibilité et à la clarté, dans le but de rendre la Bible accessible aux lecteurs contemporains. Si cette démarche est précieuse, elle a souvent un coût. Les textes originaux hébreu et grec sont vivants, remplis d’images concrètes et de jeux de mots rythmés. Par exemple, l’hébreu biblique décrit la colère de Dieu comme des « narines qui s’enflamment » (Exode 15:8) ou la terre qui « avale » les rebelles (Nombres 16:32). Les traductions modernes font souvent abstraction de ces images vivantes et les transforment en une prose simple et informative, ce qui donne un texte clair mais dépourvu de la vitalité de l’original. La musique – le rythme, l’aspect physique, la cadence poétique – est souvent perdue, laissant un texte qui ressemble plus à un résumé qu’à une œuvre vivante.
L’approche de Robert Alter
Le spécialiste de la littérature Robert Alter propose une alternative convaincante dans sa traduction de la Bible hébraïque en trois volumes. Maître de l’hébreu, Alter a cherché à préserver la nature poétique et incarnée du texte original, en évitant la tendance à privilégier la facilité de lecture au détriment de la fidélité. Par exemple, là où la NIV pourrait rendre « Dieu était en colère », Alter conserve l’idiome hébreu, tel que « le nez de Dieu brûlait » Ce choix peut sembler peu familier aux lecteurs modernes, mais il reflète la manière dont le public d’origine aurait vécu le texte. La traduction d’Alter restitue la cadence de l’hébreu, depuis les ordres tranchants de la Genèse jusqu’aux lamentations lyriques des Psaumes. Bien que son travail soit dense et moins accessible à une lecture occasionnelle, il offre un aperçu plus précis de la profondeur littéraire et spirituelle de l’original.
Le chemin de la lecture fidèle
Quelle est donc la traduction la plus fidèle ? La réponse ne consiste pas à en choisir une et à considérer que la tâche est terminée. Chaque traduction a ses forces et ses faiblesses. La KJV offre une beauté littéraire inégalée mais comporte des inexactitudes historiques. Les traductions modernes apportent de la clarté mais sacrifient souvent l’âme poétique du texte. La traduction d’Alter excelle à préserver le ton de l’hébreu mais peut sembler difficile à utiliser au quotidien. La solution consiste à utiliser plusieurs traductions, à les comparer et, pour ceux qui sont prêts à aller plus loin, à explorer les langues originales.
Il n’est pas nécessaire d’avoir une formation poussée pour cela. Des outils tels que les bibles interlinéaires, les lexiques hébreux et grecs ou des ressources en ligne peuvent fournir des informations sur les textes originaux. L’objectif n’est pas de devenir un érudit, mais de prendre la responsabilité de votre étude, un peu comme Jacob luttant avec Dieu (Genèse 32:24-30). En comparant les traductions et en creusant dans les langues originales, vous entrez dans la conversation vivante entre Dieu et l’humanité que représente la Bible.
Conclusion
La quête de la traduction parfaite de la Bible est un voyage, pas une destination. Chaque version – que ce soit la majestueuse King James, la claire NIV ou le rendu poétique d’Alter – offre une fenêtre unique sur la Parole de Dieu. Acceptez les imperfections, car elles vous invitent à lutter avec le texte, à rechercher la vérité avec le cœur et l’esprit. Consultez plusieurs traductions, explorez l’hébreu et le grec et laissez l’Esprit guider votre compréhension. La Bible n’est pas un livre statique, mais une conversation vivante, qui vous appelle à plonger plus profondément, à poser des questions audacieuses et à vous rapprocher de Dieu. Votre quête d’une lecture fidèle est un acte d’adoration, un témoignage de votre désir de vérité. Alors, ouvrez les pages, comparez les mots et laissez la voix vibrante, poétique et divine de l’Écriture vous transformer, un verset à la fois.
