L’histoire d’Hénoc dans la Bible est aussi brève que fascinante. Son père, un homme nommé Jared, a vécu une des plus longues vies (Gen 5:18-20). Le fils d’Hénoc, Mathusalem, a vécu encore plus longtemps que son grand-père Jared, de sept ans, atteignant l’âge vénérable de 969 ans (Gen 5:25-27). Dans le livre de la Genèse, la courte histoire d’Hénoc est intercalée entre les récits de son père (Jared) et de son fils (Mathusalem). Elle se lit comme suit :
21 Hénoc (וַיְחִי חֲנוֹךְ) vécut soixante-cinq ans, et engendra Mathusalem (וַיּוֹלֶד אֶת-מְתוּשָׁלַח). 22 Hénoc marcha avec Dieu (וַיִּתְהַלֵּךְ חֲנוֹךְ אֶת-הָאֱלֹהִים) trois cents ans après avoir engendré Mathusalem, et il engendra des fils et des filles. 23 Tous les jours d’Hénoc furent de 365 ans. 24 Hénoc marcha avec Dieu (וַיִּתְהַלֵּךְ חֲנוֹךְ אֶת-הָאֱלֹהִים) ; puis il ne fut plus (וְאֵינֶנּוּ), parce que Dieu le prit (כִּי-לָקַח אֹתוֹ אֱלֹהִים). (Gen 5:21-24)
(Nous fournirons notre commentaire sur ce texte clé un peu plus tard ; pour l’instant, nous voulons simplement que vous ayez une vue d’ensemble).
Hénoc est mentionné plusieurs autres fois dans la Bible. Dans 1 Chroniques, tout comme dans la Genèse, il est listé comme le septième descendant d’Adam. Cela établit une belle symétrie de six générations précédant et six suivant Hénoc, soulignant l’importance, sinon la centralité, de ce dernier. Nous lisons :
Adam, Seth, Énosch, Kenan, Mahalaleel, Jared, Hénoc, Mathusalem, Lamech, Noé, Sem, Cham et Japhet. (1 Chron 1:1-3)
Ce modèle structurel (chiasme) est une caractéristique du style littéraire hébreu, où les figures ou événements pivots sont stratégiquement positionnés au centre d’une liste pour souligner leur signification. Bien que ce passage ne forme pas un chiasme parfait – qui implique généralement des éléments mis en miroir et parallèles – la symétrie numérique et positionnelle délibérée implique fortement une intentionnalité dans la conception. En plaçant Hénoc au cœur de cette unité, le texte met en évidence son rôle central et son importance.
L’Évangile de Luc raconte essentiellement la même histoire (Luc 3:37). L’Épître aux Hébreux l’étoffe légèrement en présentant Hénoc comme l’une des figures clés qui ont manifesté une grande foi, rendant sa sortie de la vie terrestre extraordinaire. Nous lisons :
C’est par la foi qu’Hénoc fut enlevé (Πίστει Ἑνὼχ μετετέθη) pour qu’il ne vît point la mort ; et on ne le trouva plus (καὶ οὐχ ηὑρίσκετο), parce que Dieu l’avait enlevé (διότι μετέθηκεν αὐτὸν ὁ θεός) ; car, avant d’être enlevé, il avait reçu le témoignage qu’il était agréable à Dieu. (Héb 11:5)
En d’autres termes, l’Épître aux Hébreux interprète l’expression « Hénoc marcha avec Dieu » comme la manifestation d’un engagement de foi extraordinaire de la part d’Hénoc.
Jude et Hénoc
La mention véritablement significative du Nouveau Testament se trouve dans l’épître de Jude, où la lettre semble citer directement le livre attribué à Hénoc. Nous y lisons :
C’est aussi pour eux qu’Hénoc, le septième depuis Adam, a prophétisé, en disant : « Voici, le Seigneur est venu avec ses saintes myriades, pour exercer le jugement contre tous, et pour faire rendre compte à tous les impies de toutes les œuvres d’impiété qu’ils ont commises, et de toutes les paroles dures qu’ont proférées contre lui des pécheurs impies. » (Jude 14-15)
Le texte cité se trouve dans le premier chapitre de 1 Hénoc. Nous y lisons :
Paroles de la bénédiction d’Hénoc, par lesquelles il bénit les élus et les justes, qui vivront au jour de la tribulation… Et voici ! Il vient avec dix mille de Ses saints pour exécuter le jugement sur tous, et pour détruire tous les impies. Et pour convaincre toute chair de toutes les œuvres de leur impiété qu’ils ont commises impieusement, et de toutes les paroles dures que des pécheurs impies ont prononcées contre Lui. (1 Hénoc 1:1-2, 9)
L’Épître de Jude, une lettre brève mais percutante du Nouveau Testament, exhorte les premiers disciples du Christ à rester fermes face aux faux enseignements. La mission de Jude est claire : « Combattre pour la foi qui a été transmise une fois pour toutes aux saints » (Jude 3). Il met en garde contre des personnes trompeuses et impies qui dénaturent la grâce de Dieu et feront face à un jugement certain. Pour étayer son propos, Jude utilise des exemples vifs de rébellion tirés de l’histoire et d’au-delà, y compris des anges qui ont abandonné leurs rôles divins. Cette imagerie provient de 1 Hénoc, un texte largement respecté à l’époque de Jude, soulignant la punition de Dieu pour ceux qui défient Son ordre.
La citation de 1 Hénoc par Jude ne signifie pas qu’il le considérait comme une Écriture canonique – la canonicité n’était pas une idée aussi bien définie au temps de Jésus qu’elle ne l’est aujourd’hui – mais elle révèle le monde culturel dans lequel il vivait. Des textes comme 1 Hénoc ont façonné la pensée apocalyptique juive, mêlant drame cosmique et avertissements de justice divine.
D’autres passages du Nouveau Testament font également écho à des thèmes hénociens, suggérant que Jésus et les apôtres étaient familiers avec ces idées et y adhéraient. Bien que cet article se concentre sur la personne d’Hénoc, et non sur les écrits qui lui sont attribués mais qu’il n’a jamais réellement écrits, considérons brièvement quelques exemples pour piquer la curiosité avant de recentrer notre discussion.
Les Livres d’Hénoc ont influencé le judaïsme du Second Temple et le christianisme primitif. Par exemple, en Matthieu 22:29–30 (cf. Marc 12:24–25, Luc 20:34–36), Jésus dit que les anges ne se marient pas, ce qui correspond à 1 Hénoc 15:4–7, qui contraste les anges purs avec les Veilleurs déchus qui ont pris des femmes humaines (1 Hénoc 6–7, cf. Genèse 6:1–4). L’idée que les humains ressuscités seront « comme des anges » reflète 1 Hénoc 104:2–6, où les justes sont élevés à la gloire angélique. De même, 2 Pierre 2:4–5 décrit Dieu enchaînant des anges rebelles dans le Tartare, une sombre prison, jusqu’au jugement — une image saisissante tirée de 1 Hénoc 10:4–6, 10:11–12 et 88:1–3, non présente dans la Genèse mais centrale dans les récits hénociens. Ce ne sont là que quelques exemples parmi d’autres.
Concentrons-nous maintenant sur le sujet principal de notre étude actuelle concernant ce qui est arrivé à Hénoc. Nous ne considérerons ici que le récit biblique avant de passer, dans des études de suivi, aux récits extrabibliques qui revendiquent pseudépigraphiquement la paternité d’Hénoc.
L’Hénoc Biblique
Mais, dans l’espace qui nous reste, concentrons-nous sur le texte biblique principal qui présente l’histoire fondamentale d’Hénoc. Pour votre commodité, nous citons à nouveau le texte :
Hénoc (וַיְחִי חֲנוֹךְ) vécut soixante-cinq ans, et engendra Mathusalem (וַיּוֹלֶד, אֶת-מְתוּשָׁלַח). Hénoc marcha avec Dieu (וַיִּתְהַלֵּךְ חֲנוֹךְ אֶת-הָאֱלֹהִים) trois cents ans après avoir engendré Mathusalem, et il engendra des fils et des filles. Tous les jours d’Hénoc furent de 365 ans. Hénoc marcha avec Dieu (וַיִּתְהַלֵּךְ חֲנוֹךְ, אֶת-הָאֱלֹהִים) ; et il ne fut plus (וְאֵינֶנּוּ), car Dieu le prit (כִּי-לָקַח אֹתוֹ אֱלֹהִים). (Gen 5:21-24)
Premièrement, notez qu’Hénoc et Noé sont les deux seules personnes dans toute la Torah pour lesquelles l’expression « il marcha avec Dieu » a été utilisée. Tandis que Noé fut la seule personne dans la Torah à être qualifiée de juste, Hénoc fut la seule personne dans la Torah à être enlevée par Dieu. Plus tard dans la Bible, d’autres personnes sont également qualifiées de justes (par exemple, Matt 1:19, Luc 2:25) et au moins une est enlevée par Dieu, peut-être de manière similaire (par exemple, Élie dans 2 Rois 2:11). Jésus, après Sa résurrection, est monté au ciel, enlevé vers Dieu en présence de Ses disciples (Actes 1:9, Luc 24:51). Les Deux Témoins dans le livre de l’Apocalypse sont tués, ressuscités, puis enlevés au ciel dans une nuée (Apocalypse 11:11-12). Paul envisage les croyants qui seront en vie au moment du retour du Christ comme étant « enlevés » à la rencontre du Seigneur dans les airs, emmenés pour être avec Dieu (1 Thess 4:16-17).
Deuxièmement, la durée de vie d’Hénoc, 365 ans, correspond précisément au nombre de jours du calendrier solaire utilisé par certaines anciennes communautés juives. Cela symbolisait probablement la complétude et l’alignement avec l’ordre créé par Dieu. Bien que spéculative, cette connexion est intrigante, en particulier étant donné l’utilisation par les Égyptiens d’un calendrier solaire de 365 jours. Dans l’esprit des anciens Israélites, le nombre 365 a pu résonner avec le calendrier égyptien.
Troisièmement, l’expression « et il ne fut plus (וְאֵינֶנּוּ), car Dieu le prit (כִּי-לָקַח אֹתוֹ אֱלֹהִים) » est très mystérieuse et extrêmement brève. Elle indique cependant une sorte de départ extraordinaire de la vie, atypique pour la Genèse 5. Il est incertain ce qui est arrivé exactement à Hénoc, mais d’une certaine manière, soudainement, « il n’était plus/il ne fut plus trouvé/il n’était pas ». Ce qui est clair, c’est que Dieu l’a pris.
Mais où ? Vers Lui-même ? Vers un autre endroit ? Comment ? Et pourquoi ? Était-ce parce qu’il était si proche de Dieu ? Ou parce que Dieu, dans sa miséricorde, l’a épargné d’un futur péché, comme beaucoup l’ont suggéré ?
Nous ne le saurons pas de ce côté de l’éternité.
Conclusion
C’est précisément l’ambiguïté et la concision de ce récit intrigant qui ont inspiré l’imagination religieuse juive quant à ce qui est arrivé à Hénoc après qu’il ait été pris par Dieu (Gen 5:21-24). Il suffit de dire que l’histoire d’Hénoc, bien que brève, rayonne d’une profonde inspiration, captivant l’imagination des croyants à travers les siècles et les religions. En tant que septième depuis Adam, sa vie témoigne d’une foi extraordinaire, symbolisée par la rare expression biblique, « il marcha avec Dieu ». Contrairement aux autres dans la Genèse, le départ d’Hénoc fut unique — marqué par un mystère divin, car « il ne fut plus, car Dieu le prit ». Cette sortie énigmatique, associée à sa durée de vie de 365 ans qui reflète le calendrier solaire, souligne une vie parfaitement alignée sur l’ordre de Dieu. Célébré dans l’Épître aux Hébreux pour sa foi et cité dans Jude pour sa voix prophétique, Hénoc apparaît comme une figure pivot, positionnée centralement dans la généalogie de la foi. Son histoire nous invite à poursuivre une vie de dévotion inébranlable, confiants dans le dessein de Dieu, même au milieu des incertitudes de la vie. L’héritage d’Hénoc perdure, nous inspirant à marcher en étroite communion avec Dieu, embrassant le mystère d’une foi qui transcende l’ordinaire. C’est ce qui est arrivé à Hénoc selon la Bible, mais pouvons-nous apprendre autre chose des diverses traditions juives qui n’ont pas été incluses dans la Bible pour une raison ou une autre ? Peut-être. Peut-être pas. Nous aborderons ce sujet dans notre prochaine étude.
